Déposé le 24/10/2013 à 13h54
Pourquoi avez-vous décidé d'enquêter sur la pratique de l'euthanasie en Belgique?
Le point de départ, c'est le travail que j'ai mené avec le réalisateur Frédéric Chaudier, qui a filmé pendant plus d'un an des patients hospitalisés en soins palliatifs à la maison médicale Jeanne-Garnier, à Paris. J'ai produit son documentaire, « Les yeux ouverts », sorti en 2010 au cinéma.
Fort de cette expérience, j'ai eu envie de savoir comment les choses se passaient dans des pays, comme la Belgique,ayant fait le choix d'autoriser l'euthanasie. J'ai commencé l'enquête sans aucun a priori, avec l'esprit ouvert et l'envie de comprendre. C'est alors que j'ai rencontré Marcel, un ancien syndicaliste belge plutôt favorable à l'euthanasie au départ.Cependant, après l'euthanasie de sa mère qui n'était pas malade, celui-ci s'est brutalement rendu compte qu'il n'y avait pas de contrôle, que l'euthanasie se pratiquait en dehors des critères fixés par la loi. Le constat était saisissant.
J'ai alors continué à enquêter, avec l'aide deux journalistes de talent, Anne-Laure Cahen et Clotilde Baste. Ce que nous montrons, c'est que dans ce pays, l'application de l'euthanasie n'est pas exempte de dérives.
Qu'avez-vous découvert en particulier?
Le point central, c'est l'absence de contrôle effectif des euthanasies pratiquées, en dépit de la commission fédérale.Certains témoins, dont l'un apparaît dans le film, vont jusqu'à faire état d'homicides déguisés en euthanasie! Desinfirmières parlent à visage découvert des dérives auxquelles elles ont assisté...
Je ne prétends pas trancher le débat, dire s'il faut ou non légaliser l'aide active à mourir, mon film est simplement un éclairage de ce qui se passe aujourd'hui dans un pays ayant fait ce choix et où, manifestement, tout ne va pas bien.J'espère qu'il va donner matière à réfléchir: sur ce que veut dire la « liberté » de mourir lorsque l'on n'a aucune réponse à sa souffrance ou encore sur la place du médecin qui soigne mais peut aussi donner la mort...
Pourquoi diffuser votre travail sur Internet et pas à la télévision?
Aucune chaîne de télévision n'a accepté de diffuser le film, donc de le financer. Nous avons travaillé pendant deux ans,avec très peu de moyens, sans pouvoir aller aussi loin dans l'enquête que nous l'aurions voulu.
Malgré ces conditions précaires, nous avons été jusqu'au bout parce que nous avions la conviction qu'il y avait là un vrai sujet. J'avoue que l'absence de répondant du côté des diffuseurs me laisse perplexe.
RECUEILLI PAR MARINE LAMOUREUX
(1) Pierre Barnérias a 48 ans. Pendant 23 ans, il a travaillé pour de nombreuses chaînes de télévision, d'abord comme
journaliste puis comme JRI (journaliste reporter d'images), France 2, France 3, TV5 monde, TF1, etc.